22 mars 2022
par Benjamin Stanislas
Président du Groupe Dièdre
En quoi le burn-out est un bon indicateur des dysfonctionnements de l’entreprise
Le processus qui mène au burn-out, désormais tant de fois raconté, s’observe et se développe dans trois dimensions : individuelle, relationnelle et organisationnelle.
Au niveau de l’individu, les symptômes sont la douleur de la victime et le déni de cette douleur, jusqu’à la rupture. Le déni de la douleur permet de travailler plus et de répondre ainsi au sentiment de culpabilité de ne pas avoir fait assez bien ou assez vite.
Au niveau relationnel, le burn-out s’observe dans le développement d’une relation toxique au travail et dans les formes de management délétères qui la nourrissent. Il s’agit donc autant d’une relation entre un manager et son subordonné qu’entre la victime et la façon dont elle s’engage dans le travail. Cet engagement n’est pas le seul fruit de son souci de bien faire ou de faire plus, mais aussi d’une relation managériale qui permet, qui encourage, voire qui suscite cet engagement.
La dimension relationnelle s’observe aussi par le fait que la victime du burn-out perd progressivement ses relations sociales au sein de l’entreprise. Les symptômes qu’elle ressent ne sont pas compris et par conséquent, les conseils qu’on peut lui donner sont triviaux au regard de la souffrance endurée : « Prends du recul », « Fais ton boulot sans trop t’investir », « Tu n’as qu’à considérer que tu viens pour le salaire, ça t’aidera à prendre de la distance ». La dimension relationnelle du burn-out s’observe donc aussi au travers de l’appauvrissement et de la disparition progressive des relations sociales.
Pour autant, la relation n’est pas la seule en cause. Le management n’est qu’un petit rouage dans une grande machine. Le style de management qui est prôné, les outils de gestion et d’évaluation que proposent l’organisation, façonnent et déterminent les conditions de cette relation.
Le burn-out est donc aussi un symptôme organisationnel et le traitement organisationnel qui en découle est un indicateur des causes profondes. Les entreprises peuvent être dans le déni de cette maladie, dans la gestion des risques juridiques et financiers ou, plus rarement dans la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle.
Elles peuvent en effet attendre que cela survienne pour le traiter individuellement, comme s’il s’agissait d’un cas isolé avec des causes exogènes. Si les cas se répètent ou s’il apparaît que certains secteurs sont particulièrement touchés, elles peuvent l’intégrer comme un risque inhérent à l’activité mais dont les causes, diffuses et complexes, ne permettent pas d’être traitées et anticipées. Ce faisant, l’organisation se met à distance du phénomène et le traite comme un évènement externe. Cela pourrait être comparé à une mauvaise météo, dont on n’est pas responsable mais dont on peut se prévenir. Niant son rôle actif dans l’apparition et la multiplication de ces cas, elle adopte des postures qui sont le miroir du déni dans lequel la victime s’est enfermée et s’est vue enfermée face à sa souffrance au travail.
L’un des plus grands biais décisionnels consiste à considérer qu’on peut faire mieux en restant dans le même cadre : on fera plus vite, plus rapidement, en anticipant plus tôt.
Le fait de ne pas s’interroger sur la multiplication des burn-out, 2,5 millions, de ne pas porter attention aux conditions d’apparition de cette maladie professionnelle est l’exact reflet des victimes qui s’enfoncent dans un surcroît de travail qu’elles imaginent temporaire et surtout salvateur.
Ce déni est aussi une réponse à un sentiment de culpabilité. De la même façon qu’un manager qui constate que son collaborateur « frise le burn-out », et nie sa responsabilité en le renvoyant à ses propres responsabilités en l’enjoignant de mieux s’organiser ou en lui donnant une plus grande autonomie ; l’organisation ne peut revoir ses propres processus, au risque de se sentir fautive.
Le déni et la culpabilité se retrouvent donc dans les trois dimensions. La souffrance probablement aussi. A l’exception de certaines personnalités perverses ; qui peut se réjouir ou même accepter de voir ses collègues se bruler de l’intérieur ? Qui peut supporter d’être éventuellement un rouage d’une organisation qui broie certains de ses employés ?
Que faire quand on sait que ce n’est pas la bonne voie mais qu’on n’a pas les moyens d’avertir ou de redresser ? On envoie un signal de détresse, un signal fort ! La victime du burn-out ne serait-elle pas le bouc émissaire, au sens premier du terme, c’est-à-dire du bouc qui, portant les fautes de la collectivité, est envoyé comme un émissaire.
Les victimes du burn-out seraient-elles pas le Cri silencieux de l’organisation, que nous renvoient les tableaux d’Edvard Munch !
Pour en savoir plus sur la responsabilité de l’organisation dans les cas de burnout, inscrivez-vous à notre prochain webinar qui aura lieu le 29/03 à 11h30.