L’Organigramme et les Ilôtiers

Les entreprises qui veulent innover recrutent ou forment des intrapreneurs. Ce sont des personnes qui ont visiblement la capacité à innover ; notamment en portant un regard neuf sur leur environnement.

Mais, ces mêmes entreprises se sont rapidement aperçues qu’intégrer ces intrapreneurs dans un organigramme formel posait problème. Philippe Silberzahn explique combien l’innovation, disruptive par définition, nécessite aussi un environnement disruptif. Exit donc l’organigramme et ses règles formelles ; place aux Ilots.

Un ilot est une sorte de groupe au fonctionnement collaboratif assez souple, naturellement moins soumis aux règles.

Le terme est d’ailleurs très intéressant et nous renvoie aux philosophes et intellectuels qui ont mis en scène des iles pour nous décrire des situations utopiques ou des mouvements de révoltes.

De l’Utopie de Thomas More au naufrage de Robinson Crusoé de Daniel Defoe, que Michel Tournier nous présentera comme un révolté ; l’image de l’Ile et sa représentation coïncident le plus souvent avec l’affranchissement et la réécriture des règles. L’étymologie grecque d’Utopie signifie d’ailleurs, « lieu qui n’est nulle part ».

L’îlot des intrapreneurs  est-il aussi un lieu qui n’est nulle part ? Est-il possible de construire un lieu en dehors de l’organigramme, affranchi des règles formelles !

Déjà dans les années 70, Michel Crozier et Erhard Friedberg ont mis en lumière les stratégies mises en œuvre par les acteurs au sein des organisations. Un acteur est un salarié et la stratégie qu’il développe, répond à ses intérêts professionnels propres.

La théorie de l’acteur stratégique a montré que l’intérêt d’un salarié ne coïncide pas toujours avec l’objectif de sa mission. Or, on comprend bien que cet intérêt est le moteur de son action. Les acteurs vont donc saisir des opportunités que leur propose les aléas de l’activité pour développer une stratégie au service de leurs intérêts. Il n’y a pas de contradiction avec le bon déroulement des missions car c’est dans l’action que l’acteur stratégique va servir ses intérêts.

Quelqu’un qui souhaite réorienter sa carrière, d’un poste de chef de projet à un poste RH, saisira les opportunités qui lui sont données de recruter et d’évaluer ses collaborateurs, afin se perfectionner et se réorienter vers les RH.

Ces stratégies d’acteur existent donc depuis que les organisations existent. Elles sont aujourd’hui encore plus faciles à mettre en œuvre. Le travail collaboratif à distance, les méthodes de Design Thinking sont désormais complètement intégrées et s’affranchissent souvent des règles formelles qui découlent des organigrammes.

Les organigrammes restent indispensables pour préciser les rôles, déterminer des règles ainsi que pour offrir une représentation visuelle des relations hiérarchiques.

Mais ils ne reflètent pas la réalité de l’action de l’entreprise, laquelle est la somme de l’action de tous ses acteurs stratégiques qui poursuivent des intérêts distincts.

Cet organigramme se heurte en plus à la réalité du travail collaboratif qui fait prévaloir l’intérêt de la collaboration ad-hoc ou ponctuelle contre les règles hiérarchiques formelles. C’est un peu le passage de l’organisation matricielle à l’organisation insulaire, laquelle n’est que temporaire, rassurons-nous !

L’organigramme est aussi un frein à la mise en œuvre de la rupture qui passe nécessairement par des organisations disruptives, que Philippe Silberzahn promeut.

Plus que jamais, l’intérêt de l’organigramme est mis en question mais il reste fondamentalement indispensable car sans cadre et sans règles, comment peut-on s’en affranchir !

Un bon recruteur, surtout dans le digital, doit mener ces réflexions et en tenir compte dans l’évaluation des candidats. Dièdre Recrutement alimentera donc cette réflexion à la lumière de ses expériences.

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